mercredi 25 novembre 2009

La fuite des bateaux français de 1759...

C'est un titre un peu dramatique qui convient à cette mise à jour un peu tardive. Cependant, en 1759, il y a près de 250 ans jours pour jours, se déroulait le dernier épisode dramatique de la résistance française dans la vallée du Saint-Laurent devant Québec, la ville occupée par les forces britanniques.

Ces bateaux ont comme principale mission de transmettre les ordres du chevalier François-Gaston de Lévis (image plus bas) au Roi de France pour la campagne à venir en 1760 au Canada, c'est-à-dire la vallée laurentienne qui fait partie de la Nouvelle-France. Les instructions de Lévis demandent l'envoi de plus de 6000 hommes de troupes de terre françaises, un train d'artillerie et des vivres pour quelques semaines, avant les renforts britanniques au début du mois de mai. Aidant ainsi le France à reprendre Québec, le plan est donc de renvoyer plus tard dans l'été ces troupes pour soutenir encore l'effort de guerre en Europe.

François-Gaston de Lévis, Duc de Lévis (1719-1787)
Source: Patrimoine Militaire Canadien

Alors que les derniers navires britanniques à faire route vers l'Europe ou les autres colonies américaines lèvent l'ancre le 26 octobre et quittent Québec, les bateaux français qui avaient passé une bonne partie du siège vers Batiscan et même encore plus à l'ouest vont tenter une dernière sortie vers l'océan pour rejoindre la France. C'est dans la troisième semaine de novembre 1759 que les bateaux passent devant Québec. En fait, on connaît particulièrement un des épisodes de cette fâcheuse tentative alors qu'une tempête de neige frappe la région dans la nuit du 22 au 23 novembre et force quatre bateaux dont la frégate Maréchal-de-Senneterre à s'échouer devant Saint-Romuald. Bien que quelques salves de canon seront ensuite essuyées par les bateaux à leur passage devant Québec (les 25 ou 26 novembre), c'est finalement moins de 10 bateaux qui iront rejoindre l'océan.

Les efforts français seront finalement anéantis par la force d'un événement majeur: la victoire décisive de la flotte britannique lors de la bataille de Quiberon Bay, le 20 novembre 1759, donnait une fois pour toute la domination des eaux aux Britanniques. Ainsi, bien que la France remporte la victoire lors de la bataille de Sainte-Foy (28 avril 1760) elle n'obtiendra aucun secours. Des 6 navires envoyés par la France en Amérique, trois ne traverseront même pas l'océan et trois autres seront pris lors de la bataille de la Ristigouche (qui prend fin le 8 juillet 1760).

mardi 17 novembre 2009

Québec et l'expression "Vieille capitale"

Ces jours-ci, la Ville de Québec est en proie à une petite controverse qui secoue une partie de l'Hôtel de Ville. L'administration nouvellement élue du maire Régis Labeaume a décidé de faire appel à Monsieur Clotaire Rapaille pour changer l'image de marque de Québec qui tourne beaucoup autour du Vieux-Québec, des murs de la Ville et de l'expression "Vieille capitale". Nous croyons qu'il est intéressant de bien définir d'où exactement vient cette expression.

Il faut remonter en 1857. Québec est alors en compétition avec les villes de Montréal, Kingston (Ontario) et Toronto (Ontario) pour le titre de capitale du Canada-Uni et donc de siège du gouvernement de cette colonie britannique en Amérique du Nord. Cependant, on lui préférera Ottawa pour devenir la future capitale du Canada-Uni, le 31 décembre 1857. Ce qui ne veut pas dire que le gouvernement ne reviendra pas siéger à Québec pour une brève période dans les années 1860. À cette époque, on ne siège plus au Parlement qui était alors l'ancien Palais épiscopal, situé en haut de la Côte de la Montagne, qui avait presque entièrement brûlé en 1854 et dont les pierres avaient été vendues pour créer le nouvel édifice de la Halle Champlain (2e photo).


Parliament Buildings, Quebec, Sarony and Major, vers 1850, Archives de la Ville de Québec. Source: Site Internet de la Ville de Québec



La halle du marché Champlain, (photographie), [vers 1900]. Archives de la Ville de Québec, collection André Hamel (N030902). Source: Site Internet de la ville de Québec



Comme ce choix laisse un goût amer dans la bouche de l'élite politique de la ville, on adoptera rapidement l'expression "Vieille capitale" pour bien représenter les espoirs déchus de cette élite et dans une moindre mesure d'une bonne partie de la population. Ottawa avait l'avantage d'être une petite bourgade peuplée de beaucoup de francophones, d'anglophones et d'Irlandais en plus d'avoir deux sources d'approvisionnement en eau (via Montréal et Kingston) et d'être à mi-chemin de Toronto et de Québec. Au retour du gouvernement à Québec, on construit un "parlement-bureau de poste" temporaire pour accueillir le gouvernement. On sait bien que ce passage n'est que temporaire.

L'expression était utilisée, certainement depuis les années 1960-70 et presque exclusivement par l'industrie touristique, comme le reflet du cachet unique. Ce cachet qui rappelle à tant de visiteurs que la ville reste une sorte de coin de "Vieille" Europe en Amérique. La "Vieille capitale" soulignait le caractère de Québec en tant que premier poste permanent français en Amérique et ancrait la ville dans son histoire. L'expression ne revêtait plus le caractère politique d'antan, ni la perspective défaitiste d'une certaine élite canadienne-française, mais un autre caractère, celui de Québec fortement touristique, tournée vers ses visiteurs et désireuse de les charmer par ce côté.

mardi 10 novembre 2009

La pierre blanche des Plaines d'Abraham

11 novembre. À la 11e heure, deux minutes de silence seront tenues en mémoire des soldats tombés au combat entre autres dans les deux guerres mondiales. Cependant, aux yeux de certaines personnes, ce ne sont pas tous les soldats qui ont eu le respect qu'ils méritaient, de leur vivant ou après être tombés au combat.

C'est le cas du 8th Royal Rifles, un régiment de Québec. Du moins c'est ce que croyait son aumônier, Frederick George Scott. En effet, Scott, né à Montréal en 1861, ayant fait ses études à Bishop's et à King's College (Londres), est promis à une carrière ecclésiastique dans l'église anglicane du Québec. En 1914, à plus de 40 ans, alors qu'il est chanoine de la cathédrale Holy Trinity (Québec), il décide de s'engager dans le 8th Royal Rifles à titre d'aumônier et part à la guerre.

Pour son travail et par les circonstances créées par la guerre, Scott sera finalement aumônier de toute la Première Division canadienne sur le front européen à la fin de la guerre. Il revient à Québec et y passe l'entre-deux guerres où il écrit un livre de poésie et de souvenirs du front, The Great War As I Saw It, paru en 1922. Arrive donc 1939. Scott a 78 ans. Il cherche alors à reprendre son rôle d'aumônier pour le 8th Royal Rifles, mais sera écarté, notamment à cause de son âge.

Scott décide donc de suivre de près ce qui arrive à son régiment. Envoyé sur le front pacifique lors de la Deuxième Guerre mondiale, le 8th Royal Rifles fait partie de la garnison de Hong Kong qui se fait attaquer le 7 décembre 1941 (la même journée que la bataille de Pearl Harbor). Un siège très violent débute et se termine par une défaite cuisante des alliés le 25 décembre 1941. La plupart des soldats du 8th Royal Rifles seront tués ou capturés et passeront le reste de la guerre, soit environ 44 mois, dans des camps japonais.

Quel est le lien avec la pierre blanche sur les plaines? Cette pierre, située près du kiosque Edwin-Bélanger et du pavillon Baillairgé du Musée National des Beaux-Arts du Québec est une curiosité pour plusieurs visiteurs. En effet, une pierre, entièrement peinte en blanc, sur laquelle on trouve plusieurs symboles de gravés: une croix, l'inscription CREDO, l'année 1941 et les lettres FGS (sur l'image à droite, à l'endroit où la peinture n'est plus sur la roche). FGS sont les initiales du chanoine Scott, 1941 est l'année où le 8th Royal Rifles fut capturé, CREDO est une expression latine qui signifie "j'y crois".



Image: Commission des champs de bataille nationaux, 2007.

Tous ces symboles constituent l'hommage que Scott a tenté de rendre à ses anciens frères d'armes. Ceux tombés au combat, mais aussi et surtout ceux retenus captifs par les Japonais, dont on a aucune nouvelle. F.G. Scott ne vivra pas pour savoir que les captifs seront relâchés en 1945, lui-même mourant en 1944. La pierre blanche constitue le seul monument au Canada dédié à la prise de Hong Kong et surtout à la capture du 8th Royal Rifles. Ce monument érigé par Scott, qui habitait alors tout près des Plaines au début des années 1940, est entretenu par la Commission des Champs de bataille nationaux alors que cet organisme n'a appris que l'an dernier la signification exacte de la pierre.

mardi 3 novembre 2009

Les premières élections à la mairie de Québec

Comme nous avons récemment vécu une campagne électorale municipale, il nous apparaît important de nous rappeler comment tout ce processus à commencer en parlant des premières élections municipales dans la ville de Québec.

Le premier maire "élu" de Québec est l'avocat de 33 ans, Elzéar Bédard. En effet, la ville est érigée en cité par un décret royal en 1832 et gagne ainsi le privilège d'élire ses propres représentants, ce qui n'était pas le cas de la ville sous le régime britannique. Ainsi, la ville et surtout les citoyens peuvent élire pour une première fois le conseil municipal. Élu par des conseillers qui étaient, eux, élus par les citoyens, ce premier maire aura pourtant une brève carrière. En effet, l'avocat Bédard est un proche d'un certain Louis-Joseph Papineau et du parti patriote qui est en pleine période de radicalisation. Le conseil municipal, plutôt conservateur, lui préférera donc René-Édouard Caron, maire de 1834 à 1837 et de 1840 à 1846. Ce système restera en place pendant une vingtaine d'années (mis à part une bref épisode de suspension des pouvoirs publics à la fin des années 1830...)

Nous sommes au milieu des années 1850, plus précisément le 19 juin 1856. Une nouvelle loi stipule que les élections se feront dorénavant au suffrage populaire, ou du moins par les électeurs "[...] duement habiles à élire les membres du conseil" (1). Ces électeurs habiles sont bien entendu les propriétaires fonciers, qui peuvent élire. Le premier maire élu de Québec au suffrage public est donc le médecin Joseph Morrin. Écossais d'origine et amoureux de la ville, cet homme qui a fondé plusieurs institutions médicales de la ville (Collège des médecins, Quebec Lunatic Asylum, École de médecine, etc.) sera réélu à la fin de la décennie. Cette loi restera en vigueur jusqu'en 1870.

À partir de cette date, on revient au même mode de scrutin qu'avant 1856, c'est-à-dire, le vote du conseil. Ce retour aux anciennes méthodes provoquera un situation fort désagréable à l'Hôtel de Ville, alors situé au 80-84 rue Saint-Louis. Élu au poste de maire en janvier 1870, Adolphe Tourangeau doit rapidement laisser le champ libre au maire choisi par le conseil quelques semaines plus tard, fin avril, début mai, Pierre Garneau. Tourangeau alors outré de cette défaite alors qu'il avait été élu quelques mois plus tôt par la population, s'enferme à l'Hôtel de Ville. Il se rendra finalement trois jours après le début de son geste d'éclat.

Les maires se succéderont ensuite, nonobstant les changements de régime ou les modifications légales, jusqu'au début du XXIe siècle où les élections seront désormais tenues à date fixe pour toutes les municipalités du Québec.


Sources

1- Cité dans BOISSONNAULT, Charles-Marie, "MORRIN, JOSEPH", dans Dictionnaire biographique du Canada, volume IX, article disponible en ligne, consulté le 28 octobre 2009.