mardi 23 février 2010

En route vers la bataille de Sainte-Foy (1) - l'hiver des Britanniques

L'année 2010 marque le 250e anniversaire de la bataille de Sainte-Foy. Cette bataille est la troisième qui se déroule près de Québec, la deuxième sur les Plaines d'Abraham, à l'extérieur des murs de la Vieille capitale. C'est, en quelque sorte, la revanche de l'armée française, des miliciens et de leurs alliés par rapport à la défait du 13 septembre 1759. Comme ces événements sont encore profondément marquants pour les habitants de la région, du Québec, mais aussi d'une grande partie de l'Amérique du Nord et du reste du monde, nous avons choisi de consacrer une série d'articles sur les mois de la fin de l'année 1759 et du début de l'année 1760 qui ont mené à la bataille. Ces courts articles seront publiés d'ici le mardi 27 avril 2010, date à laquelle nous allons publier un article sur la bataille de Sainte-Foy.

Source: Page de présentation de l'édition de 1769, consulté en ligne, 23 février 2010.

Pour ce premier article, nous avons choisi de présenter les préparatifs chez les Britanniques. Pour ce faire, nous avons consulter principalement les récits du siège du capitaine John Knox (image ci-haut) qui faisait partie de l'expédition britannique et qui est demeuré à Québec pendant l'hiver 1759-1760. Dans les prochaines semaines, nous poursuivrons avec des articles sur l'hiver des Français, des Canadiens et des Amérindiens. Il faut donc comprendre que cet article est centré autour des Britanniques, de leurs problèmes et de leurs avantages (N'ayez crainte, les autres auront aussi leur tour!). Compte tenu des circonstances tragiques de l'été 1759 et de la capitulation de Montréal, le 8 septembre 1760, l'hiver est une période relativement méconnue. Comme je rapporte les propos essentiellement d'une seule source (la référence complète sera en fin d'article), je vais parfois ajouter les numéros de page.

Source: The Hon. Robert Monckton, Major-General, dans Gilbert Parker, Old Quebec, New York, MacMillan, 1903, consulté en ligne, 23 février 2010.

Le 18 septembre 1759 marque l'arrivée à Québec de l'armée britannique. Alors sous le commandement du brigadier Robert Monckton (ci-haut), blessé pendant la bataille du 13, l'armée doit faire vite puisque l'hiver arrive et il sera, comme tous les hivers du Canada, rude. Les bateaux britanniques quittent Québec au plus tard le 26 octobre et Monckton laisse le rôle de gouverneur militaire à James Murray, un autre des brigadiers de Wolfe. Murray (ci-bas) se rend aussi rapidement à l'évidence, l'hiver sera difficile. La première chose à organiser, le transport du bois. C'est pourquoi les églises de Lorette et de Sainte-Foy seront rapidement utilisées comme avant-poste et tous les régiments britanniques auront à utiliser des traînes pour ramener du bois à Québec et ce, pour tout l'hiver. Compte tenu que Murray interdit d'abord de prendre le bois des clôtures et maisons détruites, ces convois de bois qui continueront tout l'hiver sont d'une importance capitale!

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Source: James Murray, auteur inconnu, Archives Nationales du Canada, consulté en ligne, le 23 février 2010.

Dès le début novembre, plusieurs tuiles s'abattent sur la tête des Britanniques. Les bateaux avec la paye des soldats ne parviendront pas à Québec avant l'hiver (pp.186-187), des rumeurs circulent comme quoi les Français, en quittant la ville, auraient jeté dans les puits des chats et des chiens morts pour rendre l'eau impropre à la consommation (p.190), on demande de prendre tous les poêles abandonnés pour chauffer les soldats (p. 190) et on instaure un couvre-feu strict aux Français (lire aux Canadiens) pour 10 heures le soir (p. 191). Pour parler des conditions à l'approche de l'hiver des soldats britanniques, Knox utilise ces mots: 

"By this state of our duty, the reader may form some idea of the manner in which we earn our daily bread in this inhospitable winter climate, where we have indifferent quarters, and vile bedding for our poor soldiers, who are ill cloathed, without regular pay, or any kind of fresh provisions; in all those difficulties, the Officers bear a proportionable share; — but such hardships cannot, with justice, be imputed to any other cause, than our critical situation in the heart of an enemy's country, remote and excluded from the sea, and consequently from every kind of commerce with the rest of the world, at this severe season of the year."(p.201)
Les hautes autorités militaires s'efforcent donc de limiter les abus de ses propres soldats (alcoolisme, vols, vandalismes) autant qu'elle le peut, mais les châtiments qui peuvent avoir l'air exemplaire sont parfois diminués. Par exemple, la court martiale du 18 novembre condamne 4 soldats: le 1er à 1000 coups de fouet pour s’être absenté de son poste et avoir utilisé des expressions qui stimulerait la mutinerie; le 2e à 300 coups pour avoir été déguisé, hors de son poste la nuit avec intention de déserter; le 3e à 1000 coups pour tentative de désertion; le 4e, pour désertion, devra faire face à la peine de mort par peloton de tir. Le 4e soldat sera finalement grâcié pour avoir révéler le nom d'un prêtre canadien-français qui incitait les Britanniques à la désertion et le 3e, un invalide suite à une blessure, sera gracié puisqu’il a avoué son crime. (p.208-209). Les Britaniques seront aussi intraitables face aux Français qui incite à la désertion. Le 17 novembre, un habitant de la ville sera pendu à cet effet. Compte tenu qu'on soupçonne alors une attaque par Lévis avant Noël (qui ne viendra finalement pas), les choses ne sont pas drôles.


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Source: A "cat of nine tails" whip, consultation en ligne, 23 février 2010.

Pour l'alcool, on suspend aussi rapidement les permis de vente d'alcool en ville, dès le 14 novembre et les coupables seront à l'avenir fouettés publiquement (ce qui arrivera à quelques reprises au cours de l'hiver). Les déserteurs seront normalement exécutés en faisant face au peloton de tir, les voleurs seront châtiés au cas par cas (le 16 novembre, un soldat est pendu pour avoir volé un habitant). Mais les soldats graciés sont nombreux comme le moral des troupes est déjà très bas. On veut que les opérations les plus importantes de l'hiver, soit la récupération de bois de chauffage près de Sainte-Foy et les escarmouches contre les Français soient les plus efficaces.



Source: The hanging of a British officer, Major Andre, for negotiating the treachery of Benedict Arnold, auteur inconnu, consulté en ligne, 23 février 2010. ATTENTION, cette image représente une pendaison d'officier britannique pendant la guerre d'Indépendance des États-Unis et non une pendaison à Québec en 1760. La période se ressemble et cette image peut représenter une pendaison comme on aurait pu en voir à Québec.


Mais plus encore que les Français, les maladies sont les principaux ennemis de l'armée britannique. Scorbut, dysenterie et différentes fièvres vont provoquer, avec le froid, un nombre élevé de décès pendant tout l'hiver et vont faire fondre pratiquement de moitié les effectifs britanniques qui sont de 7313 hommes valides au 29 octobre contre 3000 hommes et 1900 convalescents le 24 mars 1760. Cela n'empêche pas l'armée britannique de lancer des opérations de harcèlement qui se soldent souvent par des résultats avantageux pour eux et au détriment des Français ou des Canadiens: reprise de l'église de la Pointe-Lévy (13 février, après la prise du pont de glace), destruction de toutes les résidences entre les rivières Chaudière et Etchemin (26 février), destruction du camp avancé du Lac Calvaire (le Lac St-Augustin, le 18 et 19 mars). Cette dernière action ne se fait pas sans heurts parce qu'une centaine de soldats britanniques doivent être ramenés à Québec sur des traînes, souffrant d'engelures trop graves! Avec les jours qui passent, on sait que Lévis, désormais à la tête de l'armée, tentera certainement quelque chose avec toute l'armée du Canada pour reprendre Québec. Le mois de mars et le début d'avril montrent clairement aux Britanniques que les Français approchent (mouvements de troupes et rumeurs sont de plus en plus nombreux...). La bataille est inévitable.


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Source: John H. MacNaughton, The 78th Fraser Highlanders (vers 1880), Musée national des Beaux-Arts du Québec, consulté en ligne, 23 février 2010. Cette image représente un Highlander probablement à l'hiver 1775.

Que faut-il donc retenir de l'hiver britannique à Québec? Les maladies et la difficulté à trouver du bois et des ressources de toute sorte ont été responsables de la plus grande partie des actions des soldats et de l'état-major. Ces grandes difficultés n'ont pourtant pas empêché les soldats de mener à terme quelques expéditions en périphérie de Québec et d'y asseoir leur pouvoir en vu de la prochaine campagne.  Certes, on doit négocier avec certains problèmes locaux, (incitation à la désertion chez les habitants d'un côté, mais aussi vol, désertion et grabuge chez les soldats de l'autre) mais une population affaiblie qui ne croit plus avoir le support de l'armée française (selon les Britanniques) ne peut faire grand chose. Armée française qui,  ayant quitté la région de façon précipitée, n'éveille guère la crainte de Murray qui en parle en ces mots (par rapport à la désertion de ses propres soldats): 
"The desertion, which has lately happened, cannot proceed from any other cause than the fear of punishment for enormous crimes of theft and robbery, which have been amongst us of late: What else can induce men to leave a victorious army, abounding with every thing, to join that of a despicable, routed, starving enemy, who must soon abandon them to our vengeance?"(p.204-205)
C'est une armée affaiblie, mais déterminée et qui possède des moyens efficaces de se battre qui sort donc de la ville de Québec, un peu après 6h le matin du 28 avril 1760, affronter les Français...

À suivre dans les prochaines semaines avec En route vers la bataille de Sainte-Foy (2) - l'hiver des Français...

Source
KNOX, cpt. John. An Historical Journal of the Campaigns in North America... . Londres, 1769, volume 2, édition en consultation en ligne, consulté en janvier et février 2010.

mercredi 17 février 2010

Le Québec, le Canada et les Jeux Olympiques d'hiver

Peut-être revenez-vous d'un séjour dans la forêt. Si c'est le cas, les Jeux Olympiques (JO) d'hiver de Vancouver ont débuté le 12 février dernier. Si l'on inclut la "Semaine internationale des sports d'hiver" de Chamonix de 1924 organisée par le Comité International Olympique (CIO) comme premiers jeux d'hiver, le Canada a participé à toutes ces recontres. Voici donc quelques faits saillants de la présence canadienne aux JO d'hiver.

Le sport d'hiver qui a rapporté une récolte constante de médailles pour le Canada est... le hockey sur glace. (qui l'eut crut!!) En effet, le sport national d'hiver a été une constante de la délégation canadienne... avant l'arrivée de l'Union Soviétique. Le Canada y remporte un total de 12 médailles en 20 éditions dont six médailles d'or (1924, 1928, 1932, 1948, 1952, 2002), quatre d'argent (1936, 1960, 1992, 1994) et deux de bronze (1956, 1968). Sur ces médailles, quelques unes sont intéressantes.

http://individual.utoronto.ca/mfkolarcik/1928moritz-b.jpg 
Source: Canadian Olympic Hockey Team, At St. Moritz, Switzerland, 1928, tiré de Michael Kolarcik, "T.A. Reed - Ice Hockey Varsity Blues", consulté en ligne, 16 février 2010.
Par exemple, à St. Moritz en 1928, lors des pratiques, l'équipe canadienne (alors représentée par l'équipe de l'Université de Toronto qui s'est fait appelée les Graduates) a été jugée trop puissante. Ainsi, avant même le début du tournoi, l'équipe a du attendre patiemment la ronde finale. Le moment venu, l'équipe a dû affronter trois pays: la Suisse, la Grande-Bretagne et la Suède. Elle les a finalement vaincus les trois par un pointage cumulé de 38 à 0... Disons que la domination était évidente.

http://z.about.com/d/proicehockey/1/0/j/A/british-team-1936.jpg 
Source: Great Britain's gold medal team at the 1936 Winter Olympic Games in Garmisch-Partenkirchen, Germany, "Olympic Hockey History", consulté en ligne, 17 février 2010.
La première médaille d'argent du Canada dans ce même sport et donc la fin de la domination canadienne arrive avec la présentation des jeux de Garmisch-Partenkirchen de 1936. L'équipe canadienne connaît un bon tournoi et va affronter, en finale, l'équipe la plus puissante de l'époque... la Grande-Bretagne. Pourquoi? L'équipe canadienne dépose en effet une plainte à l'effet que 10 des 12 joueurs de l'équipe britannique a appris le hockey au Canada et qu'ils sont, à peu de choses près, des joueurs canadiens. Mais la décision ne sera pas renversé et la Grande-Bretagne conservera son seul titre olympique en hockey sur glace à ce jour. Le Canada conservera alors sa médaille d'or jusqu'en 1956 où une nouvelle équipe vient les surprendre et qui commencera une large domination sur ce sport pour presque toute la seconde moitié du XXe siècle: l'Union soviétique.

Le premier Québécois à participer aux JO est un homme originaire de Westmount (Montréal), William Thompson. Thompson est un fondeur de l'Université McGill qui participe à l'épreuve de 18 kilomètres, style classique, de ski de fond des JO de St. Moritz en 1928. Il se classe finalement 37e, ayant manqué une semaine complète d'entraînement avant les JO. Pour quelle raison? Le voyage en bateau pour se rendre en Suisse...

Les jeux de Lake Placid 1932 marquent la première récolte de médailles dans d'autres sports qu'au hockey, c'est-à-dire en patinage. Cinq médailles en patinage de vitesse (longue piste) et une en patinage artistique. Sans parler de la médaille d'or en hockey, arrachée aux États-Unis grâce à une partie nulle, même après trois période de prolongations!


Source: Godfrey Dewey, president of the 1932 Olympic organizing committee, awarding the silver medal for the 1,500-metre speed skating event to Canadian Alexander Hurd (left), the gold medal to American Jack Shea (centre), and the bronze medal to Canadian William Logan, 1932., Encyclopedia Britannica, consulté en ligne, le 17 février 2010.

Le premier québécois à avoir remporté une médaille olympique est Alexander Hurd (deuxième à partir de la gauche sur la photo). Natif de Montréal, Hurd était un patineur de vitesse qui a réussi à gagner la médaille d'argent du 1500 mètres et la médaille de bronze du 500 mètres (patinage de vitesse longue piste) et il remporte également ces médailles aux JO de Lake Placid.



Source: RCAF Flyers 1948, "Canadian Olympic School Program", consulté en ligne, le 16 février 2010.
Finalement, le premier Québécois à avoir remporté une médaille d'or olympique est Orval Gravelle, natif de Aylmer (près de Hull qui fait aujourd'hui partie de Gatineau, Québec) et qui faisait partie de l'équipe de hockey des JO de St. Moritz en 1948 (c'était en fait les Flyers de la Royal Canadian Air Force). En 1948, Gravelle n'a que 20 ans et est le plus jeune joueur de l'équipe. Il a été suivi en 1964, à Innsbruck, par Peter Kirby et les frères John et Victor Emery, de Montréal, membres de l'équipe championne de Bobsleigh à quatre. Il faut dire que le seul moyen pour les membres du club de Bobsleigh pour s'entraîner était à l'époque de se rendre en voiture à la piste de Lake Placid et que le financement des entraînements venait au départ uniquement que des cotisations des membres de leur club, le Canadian Bobsledding Club de Montréal (anciennement le Laurentian Bobsledding Club).


Source: veloptimum.com, consulté en ligne, le 17 février 2010.
Dernière petite curiosité, une athlète canadienne, aux JO de Salt Lake City (États-Unis, 2002) est la seule athlète à avoir remporté les trois médailles (or, agrent, bronze), pour une seule et même épreuve dans un seul JO. En effet, lors de la poursuite de ski de fond (5km), Beckie Scott (à droite sur la photo) s'est classée 3e, devenant la première nord-américaine à remporter une médaille en ski de fond. Cependant, Scott s'est vue attribuer la médaille d'argent en 2003 alors que la russe Larissa Lazutina fut trouvée coupable de dopage et disqualifiée, puis elle reçut la médaille d'or en 2004 alors que l'autre russe, Olga Danilova, fut elle aussi disqualifiée pour les mêmes raisons.

Et pour la route, le premier Canadien à remporter une médaille d'or au Canada pendant de JO... Le connaissez-vous? Voici une photo... c'est un certain Alexandre Bilodeau, en ski de bosses, le 14 février 2010. En avez-vous entendu parler? J'en doute ;) Mais suivez tout de même l'histoire, l'Australien en deuxième place n'est pas content...

Source: Cambridge Now, consulté en ligne, le 17 février 2010.

mardi 16 février 2010

Anecdote en attendant la mise à jour...

Des circonstances un peu hors de mon contrôle font que je ne peux pas faire de mise à jour avant demain soir... Elle viendra, un petit sujet "Olympiques" pour l'occasion, vous verrez.

En attendant, voici une petite anecdote pour vous faire patienter. Ce que vous allez lire provient des écrits du capitaine John Knox, un officier britannique qui a participer au siège de Québec. C'est un extrait dont vous trouverez la source en fin de texte qui présente l'exécution à venir de deux soldats. Cette histoire est rapportée le 16 décembre 1759:

The two men, who were condemned to die for robbery, have thrown dice for life, the Governor having been generously pleased to pardon one of them; eleven was the lucky number, which fell to the lot of a soldier of the forty-third regiment, who, it was remarked, did not discover the least satisfaction upon the occasion, either by his complexion or otherwise: the other poor fellow was instantly executed, and behaved quite undaunted, though with great decency.

Grosso modo, deux soldats, accusés de vol dans la ville de Québec occupée par l'armée britannique, reçoivent une opportunité de sauver leur peau en... tirant les dés. Le résultat le plus fort sur deux dés aura la vie sauve (un homme du 43rd Foot, un régiment d'infanterie) alors que son compagnon sera exécuté sur le champs. Pratique un peu barbare, mais qui fût, semble-t-il, répandue dans l'armée britannique, surtout dans les cas de crimes "à grands déploiements" (mutineries, peur devant l'ennemi sur le champs de bataille, etc.). On exécutait alors un soldat sur dix, celui qui avait le moins bon résultat, en exemple.

Je n'en sais malheureusement pas beaucoup plus que ceci et je ne connais pas l'origine exacte de cette pratique si ce n'est que Jules César aurait utilisé une technique un peu semblable pour punir ses soldats à la suite d'une quelconque contre performance (sic). Une pratique qui peut surprendre.

Source
KNOX, cpt. John. An Historical Journal of the Campaigns in North America... . Londres, 1769, volume 2, p. 232 (16 décembre 1759).

mardi 9 février 2010

Le premier débat du Parlement de Québec, 1792

"Les travaux de la première session de la 39e législature sont ajournés depuis le 4 décembre 2009. L'Assemblée reprendra ses travaux le mardi 9 février 2010, à 13 h 45."(1) Voici ce qu'on peut lire sur le site de l'Assemblée nationale du Québec encore ce matin du 9 novembre. Comment s'est déroulée la première rentrée parlementaire de l'histoire du Québec, à l'hiver 1792-93?

La première chambre d'assemblée élue qui peut ressembler à notre Parlement actuel est celle qui est élue à la suite de la loi constitutionnelle de 1791. En effet, Québec devient une ville politique à part entière: "La structure même de l'état colonial est modifiée. Désormais, chaque année, Québec accueillera, en plus des conseillers législatifs, une cinquantaine de députés venus de tous les coins du Bas-Canada pour participer à l'élaboration des lois, débattre et discuter des politiques coloniales." (2)

 L'Assemblée législative du Bas-Canada (chapelle du Palais épiscopal), ville de Québec. (item 1)
Source: Charles W. Simpson (1927), l'Assemblée législative du Bas-Canada (chapelle du palais épiscopal), ville de Québec, Bibliothèque et Archives Canada, consultation en ligne, 9 février 2010.

Les premières élections sont donc organisées rapidement et l'absence de certaines règles provoquent des situations particulières: les campagnes n'ont généralement qu'un seul bureau de vote pour une immense circonscription, les catholiques, les femmes, les juifs et les Amérindiens ont le droit de vote, (impensable en Angleterre), les comtés sont nommés (pour la plupart) à partir des comtés britanniques, le vote se fait à voix haute et publiquement, aucun parti n'existe, mais des alliances de fait se forment. Un peu chaotique dans la situation actuelle. Mais au milieu de l'été 1792, une première chambre de 50 députés est composée et devra se réunir le 17 décembre de la même année.










  

Source: Jean-Antoine Panet (1751-1815), gravure tirée de Benjamin Sulte, l'Histoire des Canadiens-Français, Sulte, 1884. Disponible en ligne, consulté le 9 février 2010.

Le premier vrai débat s'anime autour de l'élection du premier président (speaker) de l'assemblée. Après deux jours de débats houleux où la minorité anglophone (16 députés, principalemet issus de la communauté des affaires, contre 34 députés francophones) a tenté de faire élire un de ses représentants, c'est l'avocat J-Antoine Panet qui est élu. Il faut comprendre que cette élection ne se fait pas sans débat: compétences du candidat, langue maternelle, fonctionnement de la chambre. Au final, Panet est élu à majorité alors que tous les députés anglophones et trois francophones (dont le cousin de Panet, Pierre-Louis Panet) votent contre ce l'avocat. Lors de ce débat à la présidence, les élus font déjà comprendre qu'un premier vrai débat devra être fait bientôt. Celui de la langue des débats et des procès-verbaux de l'Assemblée.

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Source: Le débat sur les langues: séance de l'Assemblée législative du Bas-Canada le 21 janvier 1793. 1910-1913. Charles Huot (peintre), Marc Lajoie et Bernard Vallée (photographes). Tiré de "1777-1791: la montée des idées libérales", Les Canadas vus par les Canadiens, 1750-1860, consulté le 9 février 2010.

Les hostilités s'ouvrent rapidement le 21 janvier 1793. En effet, depuis la Conquête, le français avait toujours pu garder une certaine place dans les documents coloniaux juridiques et administratifs, mais cette chambre d'assemblée, qui relevait directement de Londres, devait se poser la question à savoir comment elle-même publierait ses travaux, les rendrait officiels. Bien entendu, on s'attend à la couleur des débats. D'un côté, on prétend que les travaux s'effectuent pour être compris par le peuple (et par la majorité des parlementaires coloniaux) et de l'autre on prétend que la langue "impériale" devrait prévaloir.



Source: Statue de Guy Carleton, Lord Dorchester, devant le Parlement de Québec, consultation en ligne, 9 février 2010.

C'est après deux journées de débat fort animés qu'une conclusion s'impose finalement: les deux langues seront acceptées, les députés étant en mesure de présenter des lois dans la langue de leur choix, et qu'une traduction systématique assurerait que les textes soient disponibles pour tous, dès la première lecture du texte devant l'assemblée. Chaque loi serait donc votée dans la langue du dépôt du projet, au choix du représentant.  De plus, en lisant entre les lignes, on se rend compte que les lois criminelles (relevant du système britannique) seront présentées d'abord en anglais, alors que celles relevant du système civil (inspirées du système français) seront présentées dans la langue de Molière. Cette conclusion survit le temps d'un été. En septembre 1793, le gouverneur Dorchester (Guy Carleton), fraîchement débarqué d'Angleterre, rapporte une directive du gouvernement impérial: les lois seront votées en anglais, puis traduites.


Sources
1- "Les travaux parlementaires, 39e législature", Assemblée Nationale du Québec, consulté le 9 février 2010.

2- Christian Blais et. al., Québec, quatre siècles d'une capitale, Québec, Les publications du Québec, 2008, p. 196.

À consulter également
Denis Vaugeois. Québec 1792. Sillery, Éditions Septentrion, 1992. 176 pages.

mardi 2 février 2010

Le Carnaval de Québec de 1894

Le 56e  Carnaval de Québec a débuté le 29 janvier dernier. Mais les premiers Carnaval remontent à la fin du XIXe siècle. Comment tout cela a-t-il débuté?

C'est d'après une proposition de Frank Carrel, éditeur du journal Quebec Daily Telegraph, que le premier Carnaval d'hiver sera créer. Comme la ville se relève péniblement des fermetures de ses principaux chantiers maritimes et que l'industrie du cuir et surtout de la chaussure est en piteux état, Carrel espère redonner un peu le sourire à la population de Québec avec un grand Carnaval populaire qui mettrait en vedette le caractère typiquement hivernal de Québec. On veut changer l'ambiance morose qui semble régner en ville ou du moins sur une partie de la communauté d'affaires.

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Source: Carnival Number of Quebec Daily Telegraph, 29 janvier 1894, p. 15, dans "Éditions spéciales de journaux canadiens", Bibliothèque et Archives Canada, consulté en ligne le 2 février 2010.

Épaulé par les hommes d'affaires de la région (Zéphirin Paquet ou Jean-Baptiste Laliberté par exemple, très présents dans St-Roch entre autres) et soutenu par un comité présidé par l'ancien Premier ministre Henri-Gustave Joly de Lotbinière, le Carnaval deviendra rapidement une réalité. Ces six journées de célébrations convient la population à célébrer sous les auspices de l'Église, des autorités municipales, provinciales et fédérales.


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Source: Carnival Number of Quebec Daily Telegraph, 29 janvier 1894, p. 23, dans "Éditions spéciales de journaux canadiens", Bibliothèque et Archives Canada, consulté en ligne le 2 février 2010.

Du lundi 29 janvier au samedi 3 février 1894, les gens de Québec ont été conviés aux activités les plus diverses: glissade, curling, statues de glace, palais de glace, bowling, feux d'artifices, course de patins, danse sur glace, course de vélo sur glace, course en raquette (incluant une course en raquette à l'envers!), parade militaire, concerts, course de canot à glace, un concours de souque à la corde (Tug-of-war), hockey sur glace et bien entendu, l'attaque (et la défense) du palais de glace par les raquetteurs et les militaires (grâce à des feux d'artifices portatifs).




















Source: Charles Baillairgé, Rapport de l'ex-ingénieur de la cité, des travaux faits sous le maire, Hon. S.N. Parent, et le conseil-de-ville actuels et sous leurs prédécesseurs durant le dernier tiers de siècle, 1866-1899, image suivant la page 86.

Ce carnaval a été le premier, mais un deuxième a suivi à l'hiver 1896. Les activités ont été pratiquement toutes les mêmes. Le succès a été vif et on a pu apercevoir une oeuvre toute particulière d'un ingénieur de la ville (photo ci-haut). Une glissoire circulaire de 12 pieds de hauteur qui était montée sur un char allégorique durant la parade. C'est l'ingénieur Charles Baillairgé qui avait conçu cette glissoire et qui espérait en faire une réplique plus importante en permanence près du Chateau Frontenac ou ailleurs dans le Vieux-Québec. Un événement tout aussi haut en couleur qu'en 1894, organisé par les mêmes personnes.

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Source: Fort de glace du Carnval de Québec, 1896, wikipedia.org, consulté le 2 février 2010.

Pourquoi est-ce que ces Carnaval ne devinrent pas une tradition? Tout d'abord, il faut comprendre que le financement privé n'était pas garantit. Des notables, le Chateau Frontenac et quelques entreprises de commerce d'hommes d'affaires impliquées assurent le bon fonctionnement de l'événement. La motivation et surtout "l'équipe de rêve" qui organisait les premières éditions ne revient jamais de façon intégrale. C'est ainsi que plusieurs fêtes hivernales, auront lieues durant la première moitié du XXe siècle. Certes, on les appelait Carnaval, mais elle n'avait rien pour rappeler les événements de la fin du XIXe siècle. Les interruptions volontaires de la Grande Dépression et des deux guerres mondiales vont assurer que ces fêtes ne deviennent pas annuelles. Ce n'est donc qu'après la Deuxième Guerre mondiale que le Carnaval actuel prend son envol.


À consulter pour plus de détails:
PROVENCHER, Jean. Le Carnaval de Québec, la grande fête de l'hiver. Québec, Éditions Multimondes, 2003. 132 pages.

Site Internet du Carnaval de Québec, entre autres la section histoire.

ESSAI: L'historien, l'histoire, la mémoire et le public: comment réfléchir aux professionnels de l'histoire et à leurs actions (présentation)

Histoire et Société est un blogue historique, mais aussi historien. Nous souhaitons donc stimuler la réflexion sur le rôle d'historien et aussi de vulgarisateur de l'histoire, ce rôle qui peut sembler réducteur aux yeux mêmes de certains membres de la communauté historienne (étudiants, chercheurs, professeurs, etc.). Réducteur de l'Histoire, réducteur du rôle de chercheur qui tente de mettre en lumières tous les aspects d'un problème en tentant de répondre au meilleur de ses connaissances à des hypothèses formulées à la lumière de problèmes soulevés par une démarche scientifique. Réducteur parce qu'il doit utiliser des méthodes discursives plus limitées (l'anecdote par exemple) pour réussir à conserver l'intérêt de son public au détriment de la "vérité" historique qui tend à présenter un sujet en profondeur. Et pourtant, ce rôle de vulgarisateur, que plusieurs auront à remplir au cours de leur carrière d'historien "professionnel", est aujourd'hui encore lié de près à l'intérêt pour l'Histoire. 

Loin de nous l'idée de présenter un argumentaire sans failles. Nous souhaitons plutôt vous livrer le fruit de nos expériences et réflexions. Soutenu par quelques suggestions de lecture intrigantes et stimulantes. Nous l'espérons.

Ces carnets seront produits de façon irrégulières et ne viendront pas changer le cours normal des mises à jour "historiques", tous les mardis. Elles serviront un objectif pédagogique que Histoire et Société s'est fixé dès le départ. Surtout pour ses auteurs, mais également, nous l'espérons, pour ses lecteurs. Les messages de cette série seront toujours précédés de l'annonce "ESSAI".

Les premières mises à jour viendront dans les prochains jours. Les essais seront les premiers textes signés de Histoire et Société, n'impliquant pas l'ensemble du blogue, mais bien les seuls auteurs des textes.

Bonne lecture